viernes, 30 de enero de 2015

L’eau, une médiation thérapeutique transitionnelle



Cet article a été écrit pour le manuel tome 2 de psychomotricité coordonné par Mme Giromini et M Pireyre. Ce manuel sortira en 2015.

En France, il y a actuellement une grande tradition de travail dans l’eau. On peut dire aussi que l’eau a été de tous temps un lieu de détente et de soin dans toutes les cultures, mais aussi un élément porteur de toute une fantasmatique, propre à chaque culture.
Je vais dans cet article m’attacher à définir pourquoi, particulièrement en psychomotricité, l’eau est un espace de travail corporel et psychique intéressant et donc  une alternative thérapeutique qui vaut le coup qu’on s’y penche.
Mais avant de commencer à parler d’eau et de thérapie, il semble nécessaire de faire un retour « aux sources de l’histoire » de ces cinquante dernières années en France, qui ont vu se développer entre autres les activités d’éveil aquatiques pour les bébés et jeunes enfants. Un développement qui a eu une influence certaine sur le déploiement actuel des activités « eau » dans les secteurs du handicap ou de la psychiatrie.

6.1. Des origines à nos jours


Dans les années 60, en Amérique, en Russie, on commence à s’intéresser aux activités aquatiques pour les bébés. Il en est de même en France. En 1966, Denis Brousse (professeur d’éducation physique) « invente» une nouvelle façon d’être avec les bébés dans l’eau, à la suite d’une observation étonnante lors d’un accident : un bébé tombe dans la piscine. Denis Brousse lui porte secours et constate que le bébé a les yeux grands ouverts, n’est absolument pas affolé, et montre une grande aisance motrice. Denis Brousse continue à jouer avec lui plutôt que de le sortir immédiatement de l’eau. Et invite ses parents à venir jouer avec lui.
Les activités « bébés nageurs » étaient nées, très vite rebaptisées « activités aquatiques d’éveil », car insistant (au contraire des méthodes américaines et russes) sur le plaisir des explorations aquatiques du bébé, sans autre but pour l’enfant que celui d’être « libre » dans ses explorations et de trouver une motricité aquatique – une motricité qui va se développer en parallèle de son développement psychomoteur - en toute sécurité, en trouvant des appuis sur le corps et dans le regard de ses parents et adultes accompagnants. Parallèlement, dans le même mouvement, se créent des activités pour les parents (Potel, 1999a, 1999b), afin qu’ils redécouvrent et inventent une nouvelle façon de vivre l’eau, sans forcément passer par la nage, et être ainsi en mesure d’accompagner plus facilement leur bébé dans l’eau. Martine Ferrus psychomotricienne, poursuit avec Denis Brousse une recherche et un travail fondamental dans ce domaine. Elle écrit un livre qui fait date : « Les bébés nagent-ils ? » (1992), car dans un champ jusque-là totalement ignoré.
Denis Brousse n’est pas le seul à être à l’origine des activités bébés dans l’eau en France. Claudie Pansu (1997) crée la fédération aquatique d’éveil et de loisirs et développe ses propres recherches dans une approche un peu différente, moins centrée sur l’accompagnement corporel par les adultes.
Jacques Mayol s’intéresse aux travaux de Denis Brousse et écrit son livre Homo Delphinus (1986) qui paraît en Italie mais mettra longtemps à être traduit en français, livre dans lequel il parle des bébés de Denis Brousse. Ils font tous deux l’hypothèse que les bébés retrouvent dans l’eau leurs origines et tels les dauphins, peuvent développer une immersion fluide sans angoisse ainsi que des capacités d'adaptation au milieu aquatique et à la pression, dont ont pu faire preuve nos ancêtres aquatiques.
A la même époque, Michel Odent et Frédéric Leboyer, s’intéressent aux accouchements sans douleur, et donc aux accouchements dans l’eau. C’est une nouvelle façon de penser les origines : le passage du milieu utérin au milieu aérien est un traumatisme, il faut adoucir cette épreuve pour le bébé comme pour la mère, et démédicaliser l’accouchement. Ils font l’hypothèse que l'eau peut faciliter la naissance et le travail de l'accouchement, avec une influence bénéfique pour l'enfant plus tard.
En 1988, le film « Le Grand bleu » a le succès qu’on lui connaît. L’adaptation au monde du « sous l’eau », l’apnée comme technique mais aussi comme moyen de retour à des états sensoriels originels, sont les grands thèmes de cet événement cinématographique.
En 1990 au Cap d'Agde, un événement va marquer les esprits et les médias : un accouchement en pleine mer. Opération longuement préparée par le couple, assistée d’une équipe médicale prête à intervenir. L’accouchement est filmé. Jacques Mayol et Denis Brousse sont avec les parents dans l’eau. Une première, minutieusement préparée, et une réussite qui entraînera une polémique et dont la plupart des images ne paraîtront que des années plus tard.
En 2013, tout a changé. Après l’engouement pour l’eau de ces 40 dernières années, l’inquiétude revient. Après tout, est-il si bon d’amener son bébé dans l’eau ? Une mise en garde est faite, dans la presse, contre les activités bébés nageurs. Il y aurait actuellement de plus en plus de noyades d’enfants. On accuse les piscines d’être à l’origine de l’asthme et autres maux pour les enfants.
Malgré cela, les activités aquatiques pour les bébés se sont largement répandues et restent une proposition d’activités ludiques pour les familles, très représentées dans beaucoup de municipalités. Elles sont encadrées généralement par des maitres nageurs, pas toujours très bien formés au développement psychomoteur, mais de plus en plus y sont associés des psychomotriciens. Cette complémentarité de regard et d’approche est toujours très intéressante.


6.2.  Le travail dans l’eau et ses effets


Pourquoi le travail dans l’eau avec les bébés nous intéresse-t-il quand on s’occupe de patients enfants, adolescents, adultes ?
Choisir l’eau, c’est s’intéresser particulièrement au langage du corps, et donc s’engager dans les voies de la communication non verbale. L’eau a des caractéristiques physiques qui déterminent des conditions spécifiques pour le corps. Ces conditions ont des effets physiologiques (respiration, rythme cardiaque, température), mécaniques (ralentissement du mouvement, allègement du poids, informations concernant l’équilibre, …), psychologiques (anxiété, angoisse, excitation, calme..). Ces effets vont forcément intervenir directement sur la façon de communiquer, d’entrer et d’être en relation avec soi, avec les autres.
L’adaptation du corps à l’eau implique toutes les fonctions sensorielles et motrices : le regard, l'ouïe, la perception kinesthésique, l'équilibre, la respiration, la peau. Cette adaptation peut être très tonifiante et structurante comme elle peut être très angoissante car tous les repères terrestres sont bousculés.
Chez les bébés, la découverte d’une motricité aquatique « tranquille » dans un environnement sécurisant et attentif, favorise la relation à leur corps en milieu aérien, d’autant plus qu’ils ont exploré des capacités sensori-motrices dans cette aire de jeu exceptionnelle qu’est l’eau. Ce que nous observons chez les bébés, nous pouvons le constater chez tout être humain, d’autant plus s’il est handicapé ou entravé dans son développement psychique ou physique.
Si l'eau est ressentie comme bienveillante, son enveloppement peut procurer une grande détente et confiance dans le corps et ses potentialités. Si elle menace l'intégrité et l'imperméabilité des frontières corporelles, c'est alors les sentiments d'intrusion, d'étouffement, d'envahissement par tous les orifices, qui vont être prédominants. 
Cette grande variabilité que l’eau fait vivre dans les registres corporels et émotionnels, donne de nombreuses occasions de travail thérapeutique.


6.2.1.       Les qualités de l’eau et leurs effets sur le corps


Rappelons brièvement les principales qualités de l’eau et les effets sur le corps qui en découlent :
·    L’eau définit un espace extérieur qui éprouve et change nos repères terrestres habituels, qu’ils soient visuels, auditifs, kinesthésiques. Nous avons à nous adapter à ce monde aquatique.
·    La densité de l’eau ralentit les mouvements et transforme la perception kinesthésique. Un corps en mouvement dans l’eau subit une résistance et une pression égale au poids du liquide situé au–dessus. Par conséquent, sont favorisés de nouveaux modes de propulsion, essentiellement horizontaux.
·    L’allègement du poids apporte des sensations inexplorées, notamment celle d’être porté par l’eau. L’équilibre vertical est fragilisé du fait de cette apesanteur, de la résistance de l’eau et de sa sensibilité à tout mouvement. D’autres modes d’équilibration sont nécessaires qui induisent des postures plus efficaces mais inhabituelles.
·    L’eau est sensible au moindre mouvement et réagit à ces mouvements par résonance. Elle prolonge le mouvement tel un écho, se fait témoin vivant. Elle est un intermédiaire tactile entre soi et les autres : dans l’eau nous ne sommes pas obligés d’être en contact pour toucher. Gestes et mouvements qui brassent l’eau vont atteindre l’autre, le faire réagir.
·    Son caractère vivant et réactif, et ce malgré sa fluidité, en fait une matière qui « sculpte » le corps. Son action directe sur la vitesse du mouvement, renforce la sensation de résistance et d’imperméabilité des contours corporels.
·    Selon les directions et la façon dont on se déplace dans l’eau, le corps emprunte la fluidité de l’eau (marcher en reculant) ou au contraire s’éprouve dans son volume musculaire, sa résistance (marcher en avançant « contre l’eau »).
·    Sous l’eau, c’est un monde à part qui « assourdit » les sensations sonores et visuelles. Voir sous l’eau est quasiment impossible, il n’y a plus que des formes. Le son proche est comme ouaté et transmis essentiellement sous forme de vibrations tactiles. Le son, sous l’eau (un cri, un chant) nous remplit et résonne dans notre corps et dans notre tête. Par contre nous perdons les sons lointains (le monde du silence).
·    Respiration et immersion : Nous devons développer une adaptation particulière pour aborder l’immersion. Notre respiration naturelle devient inadéquate et il nous faut trouver un rythme différent où inspiration et expiration vont s’alterner de façon plus consciente. Apnée (blocage) et expiration (souffle) vont impliquer des modes différents de flottaison.


6.2.2.       L’eau : un espace de jeu


Ces propriétés intrinsèques de l’eau en font un espace de jeux sensori-moteurs et moteurs d’une grande richesse :
·    L’eau enveloppe le corps. Elle le touche, le masse, le caresse, le stimule. La peau perçoit, reçoit les informations données par l’eau - texture, température, contact doux ou dur - elle est immédiatement touchée par l’eau, elle est excitée, caressée, enveloppée. 
·    Le corps est engagé tant dans sa musculature que dans son squelette. Les coordinations fines et globales, l’équilibre, les dissociations, la tonicité, toutes les fonctions psychomotrices sont sollicitées par cet engagement du corps dans l’eau.
·    Les vibrations sonores (les sons chantés sous l’eau) vont créer des vibrations puissantes, qui seront ressenties dans les masses les plus profondes du corps, et vont résonner à même le squelette ou « toucher l es organes ».
·    La tonicité. Le corps retrouve des états toniques très variés, des états de détente régressive ailleurs impossibles, des états de jubilation joyeuse (même chez des adultes), ou au contraire des états d’anxiété ou d’angoisse existentielle qui vont réactiver le besoin d’un autre.
·    La relation. L’eau, à la différence de l'air qui peut passer « inaperçu », est pour le corps une « mise à l'épreuve » du sentiment de permanence corporelle au monde. Mise à l’épreuve plaisante, agréable, déplaisante ou terrorisante. Le sentiment de solitude, qui peut être accentué du fait d’une perte des repères habituels, donne à la relation thérapeutique une dimension nouvelle. Des jeux de portage - envisageables difficilement dans d’autres conditions de soins - peuvent être l’occasion d’une remise en jeu des processus primaires de la relation. Les situations de rapprochés corporels dans les portages vont donner de nouvelles occasions à la construction psychocorporelle.
·    Que l’eau soit utilisée comme  double peau enveloppante ou élément médiateur séparateur et liant tout à la fois, comme élément porteur qui allège le corps et lui donne une nouvelle dimension, ou pour ses qualités sensorielles qui vont redynamiser les constructions des schèmes moteurs ou contribuer à la revalorisation de l’image de soi, elle est en tout état de cause partenaire de jeu, scène fantasmatique où le patient va projeter son imaginaire, pourvu que le thérapeute soit présent avec lui et partage cet espace où l’expression corporelle va se mettre au service de la représentation et de la créativité.


6.2.3. Penser le travail dans l’eau


Utiliser l’eau à des fins thérapeutiques ne date ni d’hier ni d’avant-hier. De tout temps, les civilisations ont connu les bienfaits de l’eau et les ont utilisés dans les soins. Les thermes ont une longue histoire derrière eux.
L’eau a toujours été parée des couleurs des émotions humaines et investie d’une grande richesse symbolique, qui a nourri les contes, les légendes et les mythologies quelque soient les cultures. Utiliser l’eau en psychomotricité s’inscrit donc dans une grande et longue histoire. C’est avec cette valeur symbolique – individuelle et universelle - que le thérapeute travaille.
De nombreux psychomotriciens, au sein de leurs institutions, fidèles à cette tradition soignante, emmènent des patients en piscine, en pataugeoire, parfois même en baignoire, tous ces lieux où l’eau va pouvoir exercer ses vertus thérapeutiques.
Ils ne sont pas les seuls à utiliser l’eau, de nombreux professionnels le font : éducateurs, AMP, psychologues, infirmiers, … qui souvent s’associent pour animer ces activités dynamisantes au sein d’une institution pluridisciplinaire. La différence est que le psychomotricien, s’il est formé corporellement au travail dans l’eau, aura plus de chances de saisir toutes les subtilités d’une médiation qui, sous des allures d’une grande simplicité, ouvre sur des champs de travail très variés, ainsi que sur des indications nuancées.

6.3. La formation à la médiation Eau


Chacun vit avec l’eau une histoire personnelle, intime. Et c’est de ce rapport étrange et totalement subjectif entre le corps et l’eau que va naître l’intérêt des soignants pour l’eau en tant que médiation thérapeutique.
Il est grandement aidant d’avoir travaillé cette sensorialité et cette sensori motricité pour soi-même, et d’avoir « sensibilisé » (plutôt qu’« appris ») une nouvelle relation à l’eau, autre que celle de la maitrise liée à la natation.
Dans la formation corporelle « Vivre l’eau », sont travaillés :
·             Les différents types d’appuis dans l’eau : appuis plantaires, appuis dorsaux.
·             L’imprégnation sensorielle et la mise en évidence des stimulations sensorielles à tous les niveaux et canaux : cutané, tactile, visuel, auditif, informations gustatives, odorat.
·             L’équilibration : coordination, centre de gravité, poids du corps, rééquilibration.
·             Les rythmes du mouvement, différence dans les mouvements et schèmes moteurs / rythme.
·             L'espace de l’eau : un espace à trois dimensions. Surface, profondeur, le corps dans ces espaces.
·             La relation à l'autre, le toucher de l'eau, avec l’eau.
·             Les portés.
·             L’immersion.
·             La relaxation dans l’eau.
La formation c’est aussi savoir déterminer un cadre, choisir un projet.

6.4.  Projet et Cadre thérapeutique

La mise en place du projet va dépendre de plusieurs facteurs qu’il va falloir prendre en compte si l’on veut que son  projet soit réalisable.
        
         - Les lieux d’eau. Travailler en piscine, en pataugeoire, en baignoire à jets, dans une flaque, ou dans une bassine, ou en mer, n’implique ni les mêmes enjeux ni les mêmes adaptations. Par ailleurs, s’il s’agit d’une activité au sein d’une institution de soin, le projet sera fondamentalement différent selon la localisation de l’espace d’eau, en dehors ou dans l’institution.
La question du contenant est donc fondamentale. Je dirai même qu’elle est centrale car souvent délicate. Les piscines sont difficiles à trouver,  les pataugeoires ou flaques n’existent pas partout, loin de là ! C’est pourquoi la mise en place d’une activité dans l’eau demande au psychomotricien, souvent porteur du projet, de « s’accrocher » et d’être investi, voire passionné !

         - La qualité de l’eau. Il s’agit d’utiliser l’eau dans ses qualités sensorielles et enveloppantes pour le corps. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte.
Eau stagnante et tranquille, eau bouillonnante, eau coulante, eau violente, la qualité vivante de l’eau en fait un médium malléable partiel (selon la théorisation de Marion Milner et de René Roussillon et), une matière à part entière.
En outre, la température va impliquer des tonicités différentes. Selon que l’on cherche à détendre ou à dynamiser, la température de l’eau, toujours liée à celle de l’air, va avoir des effets non négligeables, qu’il va falloir prendre en compte dans son projet.
Les activités de relaxation se feront dans des eaux plutôt chaudes (eau 32°, air entre 29° et 31°).
Les activités dynamiques et plus sportives se feront dans des eaux plutôt fraiches (entre 28°/30°).
Cette température va inévitablement influer sur le choix des patients. Pour des handicaps sévères, avec mobilité réduite, pour les bébés et jeunes enfants ainsi que pour les personnes âgées,  le travail en eaux chaudes est impératif.

         - Les patients.    
On peut dire que le travail dans l’eau peut s’imaginer dans de nombreux cadres de soin : en psychiatrie, en gériatrie, en CMP, en rééducation fonctionnelle, en institution éducative ou rééducative, ….
 Ainsi qu’avec tous les âges : les bébés, les enfants, les adolescents, les adultes.
Ces projets vont être très différents selon les patients que l’on emmène et il est impossible d’en faire une liste exhaustive. Le projet et le cadre tiendront en grande partie à l’imagination et au désir du thérapeute, ainsi qu’à la collaboration interdisciplinaire qui rend possible leur mise en place.
On peut cependant en décrire certains :

         - Projet relationnel : l’eau est un espace d’expression corporelle où les sentiments, les affects et les éprouvés du corps les plus contrastés peuvent s’y exprimer : peur, joie, angoisse, jubilation, plaisir, excitation, calme, détente, tension, …
Ces projets qui font de la relation le point central se font soit en individuel, mais le plus souvent en groupe, ce qui n’empêche nullement les temps privilégiés plus individualisés.

         - Projet de socialisation : Toutes les situations vont chercher à créer du lien, qu’elles soient ludiques ou sportives. On remarque souvent que dans l’eau il se crée assez vite entre les membres d’un même groupe,  un climat de jeu et une circulation fluide, même si celui-ci est constitué d’individus en retrait ou inhibé. Dans l’eau, le jeu est roi (sauf dans les activités d’entraînement où chacun est dans son couloir).

         - Projet rééducatif : L’eau est souvent utilisée comme moyen de rééducation fonctionnelle, étant donné ses qualités de fluidité et de résistance. Elle masse, contient, enveloppe, caresse, résiste et le mouvement est soit entravé soit facilité. Le psychomotricien ne va pas avoir les mêmes objectifs de travail que ceux d’un kinésithérapeute par exemple,  mais va utiliser également l’eau pour redynamiser et revitaliser les fonctions motrices, dans une valorisation de l’image du corps s’appuyant sur de nouvelles aptitudes qui vont soutenir  l’estime de soi.

         -   Projet de relaxation. Le porté de l’eau et le porté du corps par le thérapeute est souvent très apprécié par les patients, enfants ou adultes, à condition que l’eau soit suffisamment chaude. Différentes types de relaxation (dorsale, ventrale, en immersion) peuvent s’adapter à chacun. La relaxation ne  se fait pas obligatoirement allongée, les différents portés,  facilités par l’eau, permettent une grande gamme  de sensations, de détente, dans la confiance.
La relaxation peut s’envisager également par la simple sensation de son poids du corps qui s’abandonne au porté de l’eau, avec un travail du souffle et des vibrations sonores qui vont aider la détente.
Le thérapeute formé à cette pratique permet ainsi au patient de maîtriser sa respiration (rythme inspire expire), de ressentir le volume et l’intérieur de son corps. Avec les enfants ou les adolescents (mais aussi avec les adultes), les sons sous l’eau s’abordent de façon très ludique : on chante, on se parle, on s’écoute.

Quel que soit le projet choisi, le psychomotricien utilise l’eau dans toutes les qualités décrites ci dessus, et permet au patient d’explorer ou de structurer ses capacités psychomotrices,  de réengager son corps dans l’espace selon ses propres rythmes vitaux, de se détendre et de trouver du plaisir à éprouver des sensations, de partager avec d’autres un temps plein et vivant.

6.5.  Les indications et contre-indications

On ne peut établir une liste exhaustive d’indications à un travail dans l’eau. Il y a seulement des formes thérapeutiques particulières en fonction des patients, parce que le psychomotricien et son équipe trouveront adéquat de les mettre en place.
Les indications découleront ensuite du projet et surtout du lieu d’eau choisi (ou obligé).
Flaque, pataugeoire, bassin à eau chaude, baignoire à jets, piscine municipale, chaque lieu d’eau contient en lui ses propres indications :
Travail de socialisation ou de re socialisation, travail relationnel, travail d’enveloppement, travail d’autonomisation, travail de restructuration psychomotrice, travail de revalorisation et d’estime de soi, travail en groupe, travail en individuel, … Tous ces projets naissent de la rencontre avec le patient qui va donner l’idée de lui proposer l’eau comme intermédiaire d’échange et comme lieu d’expérience et de construction psychocorporelle.

Il y a par contre des indications médicales, peu nombreuses, mais à prendre en compte : les pathologies qui mettent en risque le patient. Les otites, les cardiopathies sont les plus connues, ainsi que certaines formes d’épilepsie et certaines maladies de peau.
Par contre, il en est une, incontournable : les patients incontinents et encoprétiques mettent en péril la qualité de l’eau. Leur mettre des couches n’empêche aucunement le passage des microbes dans l’eau. Si la moindre selle touche l’eau, il faudra vider le bassin et traiter l’eau. Plus la température de l’eau est chaude, plus le risque de propagation microbienne est grand.
Tous ces critères vont avoir leur importance et vont déterminer la viabilité d’un projet et sa pérennité.


6.6.  Conclusion


À cette médiation eau, chacun donne un sens particulier, une forme, des orientations différentes. Entre celui qui va à la piscine municipale parce qu’il aime l’eau et qu’il a eu l’idée de partager ce plaisir avec ses patients et celui qui utilise des moyens et des techniques plus sophistiquées (balnéothérapie, bain à jets…), entre celui qui cherche dans l’eau à rencontrer l’étrangeté que confèrent la psychose ou l’autisme et celui qui a pour but les apprentissages et la maîtrise de l’eau, il y a bien sûr des écarts importants, que cela soit du côté du « faire » ou du côté du champ théorique. Il est cependant quelque chose de commun à toutes ces démarches : dans l’eau, le corps du thérapeute est autant engagé que le corps du patient. Et c’est de cet engagement corporel que naît la spécificité d’un travail dans l’eau. Les émotions et les vécus corporels de ses patients vont résonner avec plus ou moins d’intensité selon qu’il est à l’écoute de ce qu’il vit lui-même (ou a vécu) dans l’eau.

Catherine Potel est psychomotricienne et psychothérapeute.
Thérapeute en relaxation analytique (méthode Sapir), elle est membre du CA de  l’AREPS (association de relaxation psychanalytique Sapir) et formatrice.
Elle travaille actuellement au CMPP de l’OSE (œuvre de secours aux enfants) à Paris avec des enfants et des adolescents et en cabinet privé, à Sceaux (92).
Elle est fondatrice et responsable de formation à l’association Vivre l’eau Paris.
Elle enseigne à l’institut de formation en psychomotricité Pitié Salpetrière, université Pierre et Marie Curie.
Elle est membre du comité de rédaction de la revue Evolutions Psychomotrices et de la revue Enfances et psy.
Elle est membre du conseil scientifique de la SFPEADA (société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées).
Elle a reçu le prix Sapir de la Fondation de France en  2003.

PUBLICATIONS

OUVRAGES

    1999 Le corps et l'eau : Une médiation en psychomotricité, Ères, Toulouse. Reed. 2010 livres de poche ères.
2000 Les bébés et les parents dans l'eau, collection Mille et un bébés, érès, Toulouse.
2000 Psychomotricité. Entre Théorie et Pratique, sous la direction de C.Potel, collection Psycho, Inpress, Paris. Reed. 2008 et 2010.
  2006 Corps brûlant, corps adolescent. Des thérapies à médiations corporelles pour les adolescents ? Coll. L’ailleurs du corps ”, èrès, Toulouse.
   2010 Etre psychomotricien : un métier du présent et de l’avenir, èrès, Toulouse.

     www.revistadepsicomotricidad.com agradece públicamente al Catherine Potel por enviar este artículo desde Francia. 
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