Cet article a été écrit
pour le manuel tome 2 de psychomotricité coordonné par Mme Giromini et M
Pireyre. Ce manuel sortira en 2015.
En France, il y a
actuellement une grande tradition de travail dans l’eau. On peut dire aussi que
l’eau a été de tous temps un lieu de détente et de soin dans toutes les
cultures, mais aussi un élément porteur de toute une fantasmatique, propre à
chaque culture.
Je vais dans cet article
m’attacher à définir pourquoi, particulièrement en psychomotricité, l’eau est
un espace de travail corporel et psychique intéressant et donc une alternative thérapeutique qui vaut le
coup qu’on s’y penche.
Mais avant de commencer à parler d’eau et de thérapie,
il semble nécessaire de faire un retour « aux sources de l’histoire »
de ces cinquante dernières années en France, qui ont vu se développer entre
autres les activités d’éveil aquatiques pour les bébés et jeunes enfants. Un développement
qui a eu une influence certaine sur le déploiement actuel des activités «
eau » dans les secteurs du handicap ou de la psychiatrie.
6.1. Des origines à nos jours
Dans les années 60, en Amérique, en Russie, on
commence à s’intéresser aux activités aquatiques pour les bébés. Il en est de même
en France. En 1966, Denis Brousse (professeur d’éducation physique) « invente»
une nouvelle façon d’être avec les bébés dans l’eau, à la suite d’une
observation étonnante lors d’un accident : un bébé tombe dans la piscine.
Denis Brousse lui porte secours et constate que le bébé a les yeux grands
ouverts, n’est absolument pas affolé, et montre une grande aisance motrice.
Denis Brousse continue à jouer avec lui plutôt que de le sortir immédiatement
de l’eau. Et invite ses parents à venir jouer avec lui.
Les activités « bébés nageurs » étaient nées,
très vite rebaptisées « activités aquatiques d’éveil », car insistant
(au contraire des méthodes américaines et russes) sur le plaisir des explorations
aquatiques du bébé, sans autre but pour l’enfant que celui d’être « libre »
dans ses explorations et de trouver une motricité aquatique – une motricité qui
va se développer en parallèle de son développement psychomoteur - en toute sécurité,
en trouvant des appuis sur le corps et dans le regard de ses parents et adultes
accompagnants. Parallèlement, dans le même mouvement, se créent des activités
pour les parents (Potel, 1999a, 1999b), afin qu’ils redécouvrent et inventent
une nouvelle façon de vivre l’eau, sans forcément passer par la nage, et être
ainsi en mesure d’accompagner plus facilement leur bébé dans l’eau. Martine
Ferrus psychomotricienne, poursuit avec Denis Brousse une recherche et un
travail fondamental dans ce domaine. Elle écrit un livre qui fait date : « Les
bébés nagent-ils ? » (1992), car dans un champ jusque-là totalement
ignoré.
Denis Brousse n’est pas le seul à être à l’origine des
activités bébés dans l’eau en France. Claudie Pansu (1997) crée la fédération aquatique d’éveil et de loisirs et développe
ses propres recherches dans une approche un peu différente, moins centrée sur
l’accompagnement corporel par les adultes.
Jacques Mayol s’intéresse aux travaux de Denis Brousse
et écrit son livre Homo Delphinus
(1986) qui paraît en Italie mais mettra longtemps à être traduit en français,
livre dans lequel il parle des bébés de Denis Brousse. Ils font tous deux
l’hypothèse que les bébés retrouvent dans l’eau leurs origines et tels les
dauphins, peuvent développer une immersion fluide sans angoisse ainsi que des
capacités d'adaptation au milieu aquatique et à la pression, dont ont pu faire
preuve nos ancêtres aquatiques.
A la même époque, Michel Odent et Frédéric Leboyer,
s’intéressent aux accouchements sans douleur, et donc aux accouchements dans
l’eau. C’est une nouvelle façon de penser les origines : le passage du
milieu utérin au milieu aérien est un traumatisme, il faut adoucir cette épreuve
pour le bébé comme pour la mère, et démédicaliser l’accouchement. Ils font
l’hypothèse que l'eau peut faciliter la naissance et le travail de
l'accouchement, avec une influence bénéfique pour l'enfant plus tard.
En 1988, le film « Le Grand bleu » a le succès
qu’on lui connaît. L’adaptation au monde du « sous l’eau », l’apnée
comme technique mais aussi comme moyen de retour à des états sensoriels
originels, sont les grands thèmes de cet événement cinématographique.
En 1990 au Cap d'Agde, un événement va marquer les
esprits et les médias : un accouchement en pleine mer. Opération
longuement préparée par le couple, assistée d’une équipe médicale prête à
intervenir. L’accouchement est filmé. Jacques Mayol et Denis Brousse sont avec
les parents dans l’eau. Une première, minutieusement préparée, et une réussite
qui entraînera une polémique et dont la plupart des images ne paraîtront que
des années plus tard.
En 2013, tout a changé. Après l’engouement pour l’eau
de ces 40 dernières années, l’inquiétude revient. Après tout, est-il si bon
d’amener son bébé dans l’eau ? Une mise en garde est faite, dans la
presse, contre les activités bébés nageurs. Il y aurait actuellement de plus en
plus de noyades d’enfants. On accuse les piscines d’être à l’origine de
l’asthme et autres maux pour les enfants.
Malgré cela, les activités aquatiques pour les bébés
se sont largement répandues et restent une proposition d’activités ludiques
pour les familles, très représentées dans beaucoup de municipalités. Elles sont
encadrées généralement par des maitres nageurs, pas toujours très bien formés
au développement psychomoteur, mais de plus en plus y sont associés des
psychomotriciens. Cette complémentarité de regard et d’approche est toujours très
intéressante.
6.2. Le travail dans l’eau et ses effets
Pourquoi le travail dans l’eau avec les bébés nous intéresse-t-il
quand on s’occupe de patients enfants, adolescents, adultes ?
Choisir l’eau, c’est s’intéresser particulièrement au
langage du corps, et donc s’engager dans les voies de la communication non
verbale. L’eau a des caractéristiques physiques qui déterminent des conditions
spécifiques pour le corps. Ces conditions ont des effets physiologiques
(respiration, rythme cardiaque, température), mécaniques (ralentissement du
mouvement, allègement du poids, informations concernant l’équilibre, …),
psychologiques (anxiété, angoisse, excitation, calme..). Ces effets vont forcément
intervenir directement sur la façon de communiquer, d’entrer et d’être en
relation avec soi, avec les autres.
L’adaptation
du corps à l’eau implique toutes les fonctions sensorielles et motrices : le
regard, l'ouïe, la perception kinesthésique, l'équilibre, la respiration, la
peau. Cette adaptation peut être très tonifiante et structurante comme elle
peut être très angoissante car tous les repères terrestres sont bousculés.
Chez les bébés, la découverte d’une motricité
aquatique « tranquille » dans un environnement sécurisant et
attentif, favorise la relation à leur corps en milieu aérien, d’autant plus
qu’ils ont exploré des capacités sensori-motrices dans cette aire de jeu
exceptionnelle qu’est l’eau. Ce que nous observons chez les bébés, nous pouvons
le constater chez tout être humain, d’autant plus s’il est handicapé ou entravé
dans son développement psychique ou physique.
Si
l'eau est ressentie comme bienveillante, son enveloppement peut procurer une
grande détente et confiance dans le corps et ses potentialités. Si elle menace
l'intégrité et l'imperméabilité des frontières corporelles, c'est alors les
sentiments d'intrusion, d'étouffement, d'envahissement par tous les orifices,
qui vont être prédominants.
Cette grande variabilité que l’eau fait vivre dans les
registres corporels et émotionnels, donne de nombreuses occasions de travail thérapeutique.
6.2.1. Les qualités de l’eau et
leurs effets sur le corps
Rappelons brièvement les principales qualités de l’eau
et les effets sur le corps qui en découlent :
· L’eau définit un espace extérieur qui éprouve et
change nos repères terrestres habituels, qu’ils soient visuels, auditifs,
kinesthésiques. Nous avons à nous adapter à ce monde aquatique.
· La densité de l’eau ralentit les mouvements et
transforme la perception kinesthésique. Un corps en mouvement dans l’eau subit
une résistance et une pression égale au poids du liquide situé au–dessus. Par
conséquent, sont favorisés de nouveaux modes de propulsion, essentiellement
horizontaux.
· L’allègement du poids apporte des sensations inexplorées,
notamment celle d’être porté par l’eau. L’équilibre vertical est fragilisé du
fait de cette apesanteur, de la résistance de l’eau et de sa sensibilité à tout
mouvement. D’autres modes d’équilibration sont nécessaires qui induisent des
postures plus efficaces mais inhabituelles.
· L’eau est sensible au moindre mouvement et réagit à
ces mouvements par résonance. Elle prolonge le mouvement tel un écho, se fait témoin
vivant. Elle est un intermédiaire tactile entre soi et les autres : dans
l’eau nous ne sommes pas obligés d’être en contact pour toucher. Gestes et
mouvements qui brassent l’eau vont atteindre l’autre, le faire réagir.
· Son caractère vivant et réactif, et ce malgré sa
fluidité, en fait une matière qui « sculpte » le corps. Son action
directe sur la vitesse du mouvement, renforce la sensation de résistance et
d’imperméabilité des contours corporels.
· Selon les directions et la façon dont on se déplace
dans l’eau, le corps emprunte la fluidité de l’eau (marcher en reculant) ou au
contraire s’éprouve dans son volume musculaire, sa résistance (marcher en avançant
« contre l’eau »).
· Sous l’eau, c’est un monde à part qui « assourdit »
les sensations sonores et visuelles. Voir sous l’eau est quasiment impossible,
il n’y a plus que des formes. Le son proche est comme ouaté et transmis
essentiellement sous forme de vibrations tactiles. Le son, sous l’eau (un cri,
un chant) nous remplit et résonne dans notre corps et dans notre tête. Par
contre nous perdons les sons lointains (le monde du silence).
· Respiration et immersion : Nous devons développer
une adaptation particulière pour aborder l’immersion. Notre respiration
naturelle devient inadéquate et il nous faut trouver un rythme différent où
inspiration et expiration vont s’alterner de façon plus consciente. Apnée
(blocage) et expiration (souffle) vont impliquer des modes différents de
flottaison.
6.2.2. L’eau : un espace
de jeu
Ces propriétés intrinsèques de l’eau en font un espace
de jeux sensori-moteurs et moteurs d’une grande richesse :
· L’eau
enveloppe le corps. Elle le touche, le masse, le caresse, le stimule. La peau perçoit, reçoit
les informations données par l’eau - texture, température, contact doux ou dur
- elle est immédiatement touchée par l’eau, elle est excitée, caressée,
enveloppée.
·
Le corps est engagé tant dans sa musculature que dans son squelette. Les
coordinations fines et globales, l’équilibre, les dissociations, la tonicité,
toutes les fonctions psychomotrices sont sollicitées par cet engagement du
corps dans l’eau.
·
Les vibrations sonores (les sons chantés sous l’eau) vont créer des
vibrations puissantes, qui seront ressenties dans les masses les plus profondes
du corps, et vont résonner à même le squelette ou « toucher l es
organes ».
·
La tonicité. Le corps retrouve des états toniques très variés, des états de
détente régressive ailleurs impossibles, des états de jubilation joyeuse (même
chez des adultes), ou au contraire des états d’anxiété ou d’angoisse
existentielle qui vont réactiver le besoin d’un autre.
· La
relation. L’eau, à la différence de l'air qui peut passer « inaperçu »,
est pour le corps une « mise à l'épreuve » du sentiment de permanence
corporelle au monde. Mise à l’épreuve plaisante, agréable, déplaisante ou
terrorisante. Le sentiment de solitude, qui peut être accentué du fait d’une
perte des repères habituels, donne à la relation thérapeutique une dimension
nouvelle. Des jeux de portage - envisageables difficilement dans d’autres
conditions de soins - peuvent être l’occasion d’une remise en jeu des processus
primaires de la relation. Les situations de rapprochés corporels dans les
portages vont donner de nouvelles occasions à la construction psychocorporelle.
· Que
l’eau soit utilisée comme double peau enveloppante ou élément médiateur séparateur et liant tout à la fois, comme élément porteur
qui allège le corps et lui donne une nouvelle dimension, ou pour ses qualités
sensorielles qui vont redynamiser les constructions des schèmes moteurs ou
contribuer à la revalorisation de l’image de soi, elle est en tout état de
cause partenaire de jeu, scène fantasmatique où le patient va projeter son
imaginaire, pourvu que le thérapeute soit présent avec lui et partage cet
espace où l’expression corporelle va se mettre au service de la représentation
et de la créativité.
6.2.3. Penser le travail dans l’eau
Utiliser l’eau à des fins thérapeutiques ne date ni
d’hier ni d’avant-hier. De tout temps, les civilisations ont connu les
bienfaits de l’eau et les ont utilisés dans les soins. Les thermes ont une
longue histoire derrière eux.
L’eau a toujours été parée des couleurs des émotions
humaines et investie d’une grande richesse symbolique, qui a nourri les contes,
les légendes et les mythologies quelque soient les cultures. Utiliser l’eau en
psychomotricité s’inscrit donc dans une grande et longue histoire. C’est avec
cette valeur symbolique – individuelle et universelle - que le thérapeute
travaille.
De nombreux psychomotriciens, au sein de leurs
institutions, fidèles à cette tradition soignante, emmènent des patients en
piscine, en pataugeoire, parfois même en baignoire, tous ces lieux où l’eau va
pouvoir exercer ses vertus thérapeutiques.
Ils ne sont pas les seuls à utiliser l’eau, de
nombreux professionnels le font : éducateurs, AMP, psychologues,
infirmiers, … qui souvent s’associent pour animer ces activités dynamisantes au
sein d’une institution pluridisciplinaire. La différence est que le
psychomotricien, s’il est formé corporellement au travail dans l’eau, aura plus
de chances de saisir toutes les subtilités d’une médiation qui, sous des
allures d’une grande simplicité, ouvre sur des champs de travail très variés,
ainsi que sur des indications nuancées.
6.3. La
formation à la médiation Eau
Chacun vit avec l’eau une histoire personnelle,
intime. Et c’est de ce rapport étrange et totalement subjectif entre le corps
et l’eau que va naître l’intérêt des soignants pour l’eau en tant que médiation
thérapeutique.
Il est grandement aidant d’avoir travaillé cette
sensorialité et cette sensori motricité pour soi-même, et d’avoir « sensibilisé »
(plutôt qu’« appris ») une nouvelle relation à l’eau, autre que celle
de la maitrise liée à la natation.
Dans la formation corporelle « Vivre l’eau »,
sont travaillés :
·
Les différents types d’appuis dans l’eau : appuis plantaires, appuis
dorsaux.
·
L’imprégnation sensorielle et la mise en évidence des stimulations
sensorielles à tous les niveaux et canaux : cutané, tactile, visuel,
auditif, informations gustatives, odorat.
·
L’équilibration : coordination, centre de gravité, poids du corps, rééquilibration.
·
Les rythmes du mouvement, différence dans les mouvements et schèmes moteurs
/ rythme.
·
L'espace de l’eau : un espace à trois dimensions. Surface, profondeur,
le corps dans ces espaces.
·
La relation à l'autre, le toucher de l'eau, avec l’eau.
·
Les portés.
·
L’immersion.
·
La relaxation dans l’eau.
La formation c’est aussi savoir déterminer un cadre, choisir un projet.
6.4. Projet
et Cadre thérapeutique
La mise en place du projet va dépendre de plusieurs
facteurs qu’il va falloir prendre en compte si l’on veut que son projet soit réalisable.
- Les
lieux d’eau. Travailler en piscine, en pataugeoire, en baignoire à jets, dans
une flaque, ou dans une bassine, ou en mer, n’implique ni les mêmes enjeux ni
les mêmes adaptations. Par ailleurs, s’il s’agit d’une activité au sein d’une
institution de soin, le projet sera fondamentalement différent selon la
localisation de l’espace d’eau, en dehors ou dans l’institution.
La question du contenant est donc fondamentale. Je
dirai même qu’elle est centrale car souvent délicate. Les piscines sont
difficiles à trouver, les pataugeoires
ou flaques n’existent pas partout, loin de là ! C’est pourquoi la mise en
place d’une activité dans l’eau demande au psychomotricien, souvent porteur du
projet, de « s’accrocher » et d’être investi, voire passionné !
- La
qualité de l’eau. Il s’agit d’utiliser l’eau dans ses qualités sensorielles et
enveloppantes pour le corps. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte.
Eau stagnante et tranquille, eau bouillonnante, eau
coulante, eau violente, la qualité vivante de l’eau en fait un médium malléable
partiel (selon la théorisation de Marion Milner et de René Roussillon et), une
matière à part entière.
En outre, la température va impliquer des tonicités
différentes. Selon que l’on cherche à détendre ou à dynamiser, la température
de l’eau, toujours liée à celle de l’air, va avoir des effets non négligeables,
qu’il va falloir prendre en compte dans son projet.
Les activités de relaxation se feront dans des eaux
plutôt chaudes (eau 32°, air entre 29° et 31°).
Les activités dynamiques et plus sportives se feront
dans des eaux plutôt fraiches (entre 28°/30°).
Cette température va inévitablement influer sur le
choix des patients. Pour des handicaps sévères, avec mobilité réduite, pour les
bébés et jeunes enfants ainsi que pour les personnes âgées, le travail en eaux chaudes est impératif.
- Les
patients.
On peut dire que le travail dans l’eau peut s’imaginer
dans de nombreux cadres de soin : en psychiatrie, en gériatrie, en CMP, en rééducation
fonctionnelle, en institution éducative ou rééducative, ….
Ainsi qu’avec
tous les âges : les bébés, les enfants, les adolescents, les adultes.
Ces projets vont être très différents selon les
patients que l’on emmène et il est impossible d’en faire une liste exhaustive.
Le projet et le cadre tiendront en grande partie à l’imagination et au désir du
thérapeute, ainsi qu’à la collaboration interdisciplinaire qui rend possible
leur mise en place.
On peut cependant en décrire certains :
- Projet
relationnel : l’eau est un espace d’expression corporelle où les
sentiments, les affects et les éprouvés du corps les plus contrastés peuvent
s’y exprimer : peur, joie, angoisse, jubilation, plaisir, excitation,
calme, détente, tension, …
Ces projets qui font de la relation le point central
se font soit en individuel, mais le plus souvent en groupe, ce qui n’empêche
nullement les temps privilégiés plus individualisés.
- Projet
de socialisation : Toutes les situations vont chercher à créer du lien,
qu’elles soient ludiques ou sportives. On remarque souvent que dans l’eau il se
crée assez vite entre les membres d’un même groupe, un climat de jeu et une circulation fluide, même
si celui-ci est constitué d’individus en retrait ou inhibé. Dans l’eau, le jeu
est roi (sauf dans les activités d’entraînement où chacun est dans son
couloir).
- Projet
rééducatif : L’eau est souvent utilisée comme moyen de rééducation
fonctionnelle, étant donné ses qualités de fluidité et de résistance. Elle
masse, contient, enveloppe, caresse, résiste et le mouvement est soit entravé
soit facilité. Le psychomotricien ne va pas avoir les mêmes objectifs de
travail que ceux d’un kinésithérapeute par exemple, mais va utiliser également l’eau pour
redynamiser et revitaliser les fonctions motrices, dans une valorisation de
l’image du corps s’appuyant sur de nouvelles aptitudes qui vont soutenir l’estime de soi.
- Projet de relaxation. Le porté de l’eau et
le porté du corps par le thérapeute est souvent très apprécié par les patients,
enfants ou adultes, à condition que l’eau soit suffisamment chaude. Différentes
types de relaxation (dorsale, ventrale, en immersion) peuvent s’adapter à
chacun. La relaxation ne se fait pas
obligatoirement allongée, les différents portés, facilités par l’eau, permettent une grande
gamme de sensations, de détente, dans la
confiance.
La relaxation peut s’envisager également par la simple
sensation de son poids du corps qui s’abandonne au porté de l’eau, avec un
travail du souffle et des vibrations sonores qui vont aider la détente.
Le thérapeute formé à cette pratique permet ainsi au
patient de maîtriser sa respiration (rythme inspire expire), de ressentir le
volume et l’intérieur de son corps. Avec les enfants ou les adolescents (mais
aussi avec les adultes), les sons sous l’eau s’abordent de façon très
ludique : on chante, on se parle, on s’écoute.
Quel que soit le projet choisi, le psychomotricien
utilise l’eau dans toutes les qualités décrites ci dessus, et permet au patient
d’explorer ou de structurer ses capacités psychomotrices, de réengager son corps dans l’espace selon
ses propres rythmes vitaux, de se détendre et de trouver du plaisir à éprouver
des sensations, de partager avec d’autres un temps plein et vivant.
6.5. Les indications et contre-indications
On ne peut établir
une liste exhaustive d’indications à un travail dans l’eau. Il y a seulement
des formes thérapeutiques particulières en fonction des patients, parce que le
psychomotricien et son équipe trouveront adéquat de les mettre en place.
Les
indications découleront ensuite du projet et surtout du lieu d’eau choisi (ou
obligé).
Flaque,
pataugeoire, bassin à eau chaude, baignoire à jets, piscine municipale, chaque
lieu d’eau contient en lui ses propres indications :
Travail de
socialisation ou de re socialisation, travail relationnel, travail d’enveloppement,
travail d’autonomisation, travail de restructuration psychomotrice, travail de
revalorisation et d’estime de soi, travail en groupe, travail en individuel, …
Tous ces projets naissent de la rencontre avec le patient qui va donner l’idée
de lui proposer l’eau comme intermédiaire d’échange et comme lieu d’expérience
et de construction psychocorporelle.
Il y a par contre des indications médicales,
peu nombreuses, mais à prendre en compte : les pathologies qui mettent en
risque le patient. Les otites, les cardiopathies sont les plus connues, ainsi
que certaines formes d’épilepsie et certaines maladies de peau.
Par contre, il en est une,
incontournable : les patients incontinents et encoprétiques mettent en péril
la qualité de l’eau. Leur mettre des couches n’empêche aucunement le passage
des microbes dans l’eau. Si la moindre selle touche l’eau, il faudra vider le
bassin et traiter l’eau. Plus la température de l’eau est chaude, plus le
risque de propagation microbienne est grand.
Tous ces critères vont avoir leur
importance et vont déterminer la viabilité d’un projet et sa pérennité.
6.6. Conclusion
À cette médiation eau, chacun donne un sens
particulier, une forme, des orientations différentes. Entre celui qui va à la
piscine municipale parce qu’il aime l’eau et qu’il a eu l’idée de partager ce
plaisir avec ses patients et celui qui utilise des moyens et des techniques
plus sophistiquées (balnéothérapie, bain à jets…), entre celui qui cherche dans
l’eau à rencontrer l’étrangeté que confèrent la psychose ou l’autisme et celui
qui a pour but les apprentissages et la maîtrise de l’eau, il y a bien sûr des écarts
importants, que cela soit du côté du « faire » ou du côté du champ théorique.
Il est cependant quelque chose de commun à toutes ces démarches : dans
l’eau, le corps du thérapeute est autant engagé que le corps du patient. Et
c’est de cet engagement corporel que naît la spécificité d’un travail dans
l’eau. Les émotions et les vécus corporels de ses patients vont résonner avec
plus ou moins d’intensité selon qu’il est à l’écoute de ce qu’il vit lui-même
(ou a vécu) dans l’eau.
Catherine Potel est
psychomotricienne et psychothérapeute.
Thérapeute en relaxation analytique (méthode Sapir), elle
est membre du CA de l’AREPS (association
de relaxation psychanalytique Sapir) et formatrice.
Elle
travaille actuellement au CMPP de l’OSE (œuvre de secours aux enfants) à Paris
avec des enfants et des adolescents et en cabinet privé, à Sceaux (92).
Elle
est fondatrice et responsable de formation à l’association Vivre l’eau Paris.
Elle
enseigne à l’institut de formation en psychomotricité Pitié Salpetrière,
université Pierre et Marie Curie.
Elle
est membre du comité de rédaction de la revue Evolutions Psychomotrices et de
la revue Enfances et psy.
Elle
est membre du conseil scientifique de la SFPEADA (société française de
psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées).
Elle
a reçu le prix Sapir de la Fondation de France en 2003.
PUBLICATIONS
OUVRAGES
1999 Le corps et l'eau : Une médiation en
psychomotricité, Ères, Toulouse. Reed. 2010 livres de poche ères.
2000 Les bébés
et les parents dans l'eau, collection Mille et un bébés, érès, Toulouse.
2000 Psychomotricité. Entre
Théorie et Pratique, sous la direction de C.Potel, collection
Psycho, Inpress, Paris. Reed. 2008 et 2010.
2006 Corps brûlant, corps
adolescent. Des thérapies à médiations corporelles pour les adolescents ? Coll. L’ailleurs du corps ”,
èrès, Toulouse.
2010 Etre psychomotricien : un métier
du présent et de l’avenir, èrès, Toulouse.
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